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Road trip au cœur d’une Amérique sombre et détraquée. Celle de l’Ouest sauvage du XXIème siècle qui n’a rien à envier à la violence du Far West. Où Jeb et Bess, deux jeunes criminels, croisent la route d’autres destins. Un récit choral inspiré par Le Diable, tout le temps (The Devil all the time) de Donald Ray Pollock. Beaucoup de sang, de sexe et de fureur dans cet album écrit dans l’urgence. Pour adultes.
Car cet album révèle, comme une caméra embarquée, les dessous d’une certaine Amérique contemporaine, oisive, violente, déglinguée. Parce que le rythme de l’action est soutenu par un découpage en vingt chapitres coup de poing, montés en 8 pages comme des comics. Pour un récit choral qui donne une voix à des paumés sans avenir. Quoique… Pour le dessin noir et blanc tout juste rehaussé par une teinte, variable, qui produit une bichromie dont la tonalité colle à l’atmosphère désabusée et crépusculaire du récit.
BONNIE & CLYDE AU XXIÈME SIÈCLE. Jeb et Bess se sont bien trouvés. Dans un bain de sang. Malmenés par la vie, exploités, abandonnés à leur sort, ils se reconnaissent quand Jeb, serial killer par hasard plus que par plaisir, croise le chemin de Bess, serveuse dans un boui boui crasseux. À partir d’un acte d’une extrême violence, ils vont fuir ensemble, sans vraiment le décider. Vous ne trouverez pas d’amour passionné dans ce road-trip sanglant, mais plutôt une errance sans but de deux ados quasiment déshumanisés qui accordent leurs solitudes, par défaut, en l’absence d’une meilleure perspective. Ils calculent à court terme, bougent sans cesse, tuent dès que l’occasion se présente, pour se faire quelques dollars, et tentent d’échapper à une femme flic blasée, froide, mais perspicace. No direction. No future… Et pourtant, au bout du tunnel, la liberté peut-être ?
UNE CERTAIN VISION DE L’AMÉRIQUE. Moynot coche tous les incontournables du mythe américain. Les belles bagnoles, les stations-services, les diners, la highway où les nuages s’écrasent sur l’horizon. Mais No Direction est aussi et surtout une odyssée macabre dans une certaine Amérique qui fait froid dans le dos. Celle qui réfute toute morale, aussi sordide et violente que le Far West de la belle époque. Une société sans perspective pour des jeunes qui sont des Tueurs nés (Natural Born Killers) déjà décrits par Oliver Stone en 1994. Rien de neuf sous le soleil… Malheureusement…
SOUS LE DÉSESPOR, L’HUMANITÉ. L’album porte bien son nom si l’on s’en tient à la cavale sans issue de notre couple de tueurs en série. Mais ce récit choral va ouvrir des perspectives en croisant d’autres destins en souffrance. La belle Maxime en fuite avec ses deux fils. Un pasteur polygame. Un motard indécis. Quelques flics qui suivent à la trace les cadavres laissés par les jeunes criminels. Moynot nous offre là un monde d’une violence abyssale, sans foi ni loi, qu’il expulse comme un cri d’angoisse, à coup de traits violents, de visages fermés, d’ombres féroces. Un album qui est pourtant aussi une profession de foi à l’égard d’une certaine humanité qui transcende la noirceur du scénario. Certes ténue et difficile à dénicher, mais néanmoins bien présente derrière le désespoir et la rage. Une lueur d’espoir qu’il faut savoir saisir au gré d’un scénario tortueux aux multiples narrateurs. Un par chapitre et un chapitre par état traversé.
Auteur(s) :
Emmanuel Moynot
Titre français :
No Direction
Titre original :
No Direction
Date de publication originale :
2019
Date de publication en France :
2019
Éditeur :
Casterman
Autres :
Fauve polar SNCF à Angoulême (2020)
À quoi tu penses ? (2000). Editions Casterman. Martin est un jeune homme qui aime les femmes, et leur faire plaisir. Lorsqu’Audrey lui a dit que Karina ferait de lui son gigolo, il l’est devenu…
Magnifique œuvre de Moynot.
Moynot a également repris la suite de la série des Burma à la demande de Jacques Tardi et en respectant les codes graphiques qu’il avait mis en place. Il anime depuis 2005 la série Nestor Burma, en alternance avec Nicolas Barral depuis 2013. Aux éditions Casterman.
La nuit de Saint-Germain-des-Prés (2005), Le soleil naît sous le Louvre (2007), L’envahissant cadavre de la Plaine Monceau (2009), Nestor Burma contre C. Q. F. D. (2016), L’homme au sang bleu (2017), Les rats de Montsouris (2020).
Bonnie and Clyde (1967) d’Arthur Penn. Avec Faye Dunaway et Warren Beatty. La cavale d’un couple d’amants criminels dans l’Amérique de la Grande Dépression.
La balade de Sauvage (Badlands, 1974) de Terrence Malick. Avec Sissy Spacek et Martin Sheen. Une fuite de très jeunes amants criminels, dans le Dakota du Sud de la fin des années 50.
True Romance (1992) de Tony Scott, sur un scénario de Quentin Tarantino (avant d’avoir réalisé Reservoir Dogs). Avec Christian Slater, Patricia Arquette, Gary Oldman, Christopher Walken. Thriller romantique qui retrace l’histoire d’un couple de jeunes amoureux qui se retrouve en possession d’une valise remplie de cocaïne appartenant à la mafia et essaie de la vendre à un producteur de cinéma.
Tueurs nés (Natural Born Killers, 1994) d’Oliver Stone. Avec Juliette Lewis, Woody Harrelson, Tom Sizemore, Robert Downey Jr.