12 HOMMES EN COLÈRE, de Sidney Lumet

Parce que c’est un regard documenté et critique sur le système judiciaire américain des années 50. Car c’est un plaidoyer indispensable contre la peine de mort et le racisme ordinaire. Pour les acteurs, tous justes et convaincants. Car c’est une étude psychologique fine du comportement humain soumis à la pression du groupe. Un des sommets de la (longue et inégale) carrière de Lumet. Un premier film de cinéma en tous points remarquable.

UNE MÉCANIQUE DE PRÉCISION. C’est le comédien Henry Fonda qui a eu l’idée de l’adaptation ciné de 12 hommes en colère. Pour tourner vite (21 jours), bien et avec un budget riquiqui (340 000 dollars), son choix se porta sur un jeune réalisateur rompu au petit écran et aux tournages en direct. Bonne pioche ! Lumet fait preuve d’une grande maîtrise pour son premier film de cinéma qui se déroule en huis-clos, quasi-intégralement dans une pièce exiguë où douze hommes se haranguent, se cherchent, se défient. Une leçon de mise en scène où le jeune réalisateur arrive à nous mettre sous tension dans un drame qui se déroule en temps réel. Sans aucun temps mort. Dans une atmosphère suffocante et orageuse. Avec un sentiment de claustrophobie qui va croissant alors que le thermomètre s’envole et accroît l’irritabilité des esprits déjà bien échauffés de ces hommes sur la corde raide.

DES ACTEURS REMARQUABLES. Bien sûr Henry Fonda, le 8^ème juré par qui tout arrive, est le plus remarquable dans son interprétation, incarnant à merveille la noble figure de la démocratie. Mais chaque acteur campe son rôle avec force et conviction, notamment le formidable Lee J. Cobbs, l’adversaire gueulard qui semble constitué d’un seul bloc de colère. Filmés en gros plan, ces douze acteurs incarnent autant d’Américains d’origines sociales variées, typiques mais pas caricaturaux, et dont les visages filmés en gros plan expriment sans équivoque leurs indécisions. Pour les mettre en condition, Sidney Lumet a soumis ses acteurs à 15 jours de répétitions en huis clos, hors caméra, dans leur rôle de jurés. De quoi générer de la tension…

UN PLAIDOYER. 12 hommes en colère dénonce certaines dérives que l’on retrouvera comme un fil rouge dans d’autres oeuvres de sa filmographie. Un système judiciaire américain dysfonctionnel, prompt à envoyer un potentiel innocent à la mort, prêt à faire fi de la présomption d’innocence. Un juré constitué d’un groupe d’hommes d’origines variées, mais tous blancs, soumis à des préjugés d’époque et de classe sociale, réunis pour déterminer le sort d’un jeune latino-américain. Une société en proie au racisme ordinaire, et où des hommes soumis à la pression du groupe expriment le pire comme le meilleur d’eux-mêmes. Et finalement l’homme en blanc, qui fera pencher la balance, n’a rien d’exceptionnel. Un type pas plus remarquable qu’un autre à première vue. Un citoyen, ni plus ni moins.