GOSFORD PARK, de Robert Altman

Film
Bien
Très bien
Un Must
Partie de chasse

Le pitch

Au début des années trente, dans une Angleterre corsetée, une famille d’aristocrates organise une partie de chasse dans son domaine de Gosford Park. Un assassinat vient bouleverser l’ordre établi et révéler une société plus complexe qu’il n’y parait.  Le film, écrit par Julian Fellowes (récompensé par un oscar du meilleur scénario), a inspiré le futur phénomène Downton Abbey. Une comédie policière grinçante tout à fait savoureuse. Dès 10 ans.

Pourquoi je vous le conseille ?

Pour le regard caustique et sans pitié de l’américain Altman sur la gentry britannique. Pour tous les acteurs en général et Maggie Smith en particulier. Parce que ce film au succès international considérable, 7 fois nommé aux oscars, nous éclaire sur les us et coutumes très étranges de l’aristocratie britannique qui commençait tout juste à vaciller sur ses bases à l’orée de la seconde guerre mondiale. Car c’est un règlement de comptes qui transcende les luttes de classes pour parler micro drames humains à portée universelle. Car cette partie de Cluedo géant au charme suranné se laisse regarder avec délectation.

LUTTE DES CLASSES. Gosford Park lève le voile sur deux types de relations complexes et conflictuelles qui agitent la Haute Société anglaise de l’entre-deux guerres.

Le premier, où l’aristocratie British se heurte à l’arrivisme d’américains, ex-colons mal dégrossis, à qui l’on s’adresse du bout des lèvres. Gosford Park évoque avec un humour caustique cette incompréhension irréductible. Pour exemple. « Un gentleman n’est jamais servi au petit déjeuner », déclare un valet à l’hôte américain qui attend qu’on lui serve ses œufs au bacon à table, alors que l’usage demande qu’il aille se servir au buffet. « Oh, vous voulez dire comme dans une cafétéria ? », répond l’invité. Ce mépris réciproque donne lieu à quelques joutes verbales et situations cocasses qui teintent d’un humour British savoureux ce whodunnit* façon Agatha Christie.

Le second, où les maîtres et leurs serviteurs sont aussi opposés qu’indispensables les uns pour les autres. Où les domestiques sont désignés en cuisine par le nom de leurs employeurs, par souci d’efficacité et de mimétisme social. Inspiré par La Règle du jeu, chef d’œuvre de Jean Renoir sorti en 1939 qui dénonce la perte de valeurs des élites françaises à l’aube de la guerre, autour d’une partie de chasse, Gosford Park prend prétexte d’une enquête de police dans ce système social hiérarchique et compassé pour nous dévoiler les codes d’un monde décadent appelé à disparaitre mais dont la représentation garde, à travers le temps, toute sa puissance de fascination.

UN CLUEDO GÉANT. À l’installation du décor et des personnages qui se déroule dans le tourbillon de la première partie du film, se substitue l’enquête de police, menée par un inspecteur totalement sot et pontifiant (joué par l’excellent Stephen Fry) flanqué d’un bobby beaucoup plus fûté, prétexte à une satire peu amène d’une société en crise. Ce duo attachant se déplace en terrain miné, s’aventurant dans les recoins des arbres généalogiques, soulevant au passage tromperies inavouables et secrets bien cachés. Une enquête façon vieux roman à énigme British qui nous ménage quelques surprises et sourires au sein de deux mondes soumis à une hiérarchie ultra rigoureuse, celui des aristos et celui de la domesticité.

DES ACTEURS QUI NOUS RAVISSENT. Gosford Park est un récit choral qui donne toute sa place à la qualité des interprétations. Des haines et des amours qui prennent sens et vie grâce à la magic touch de ces (nombreux) comédiens britanniques décidément parfaits : inspirés, justes, drôles, irritants et émouvants. Robert Altman nous démontre une fois de plus son art de la direction d’acteurs où même les personnages les plus épouvantables ont droit à leur part d’humanité.

*contraction de « Who [has] done it? » litt. « qui l’a fait ?, devenu synonyme du roman d’énigme classique du début du xxe siècle, appelé aussi roman problème ou roman jeu.
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La fiche

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