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Au tout début des années 80, dans l’Espagne post-franquiste. Deux flics débarqués de Madrid se retrouvent dans une région reculée de l’Andalousie pour enquêter sur la disparition de deux adolescentes. Un polar trouble et esthétiquement splendide.
Pour sa géographie surprenante, l’Andalousie profonde, où le soleil et la poussière rendent fous. Pour son contexte historique, l’Espagne post-franquiste, qui tente de se frayer un chemin vers la démocratie. Pour les deux flics qui incarnent deux visages opposés de l’Espagne au sortir de la dictature. Parce que le film est remarquablement esthétique. Un excellent thriller d’atmosphère.
UN UNIVERS SAUVAGE. Tout commence avec un paysage fascinant. Une Andalousie inaccessible, le long du Guadalquivir. Un labyrinthe végétal et aquatique, constitué de canaux marécageux et de rizières. Des paysages désespérément plats où vivent pêcheurs et ouvriers agricoles encore ancrés dans le passé. Où les grands propriétaires terriens restent au-dessus des lois. Un monde de taiseux liés par une atmosphère moite et anxiogène. Un milieu rural impénétrable où la corruption est installée, où règne la loi du silence. Ce surprenant décor naturel connaît tous les tourments, tantôt écrasé de soleil, tantôt noyé sous une pluie diluvienne. Parfois, la caméra nous accorde un temps de répit, un recul nécessaire alors qu’elle prend de la hauteur. Les canaux sinueux deviennent des dessins indéchiffrables, coupes de cerveau ou œuvres d’art abstrait. Un changement de perspective qui nous permet de reprendre notre souffle, le temps suspendu de séquences incroyablement esthétiques.
LES ANCIENS CONTRE LES MODERNES. L’Espagne post-franquiste sert de cadre historico-politique passionnant à La Isla Minima. Sept années de transition démocratique, de la mort de Franco (1975) à l’arrivée au pouvoir de Felipe Gonzalez (1982), pendant lesquelles se joue l’avenir du pays. Une période d’espoir certes mais où subsistent des poches de résistance à la démocratie naissante, notamment dans cette Andalousie isolée. Une opposition qui s’incarne dans notre duo d’enquêteurs. L’un est démocrate et le revendique. Petite trentaine déterminée, un physique à la Sean Penn, ambitieux et prêt à en découdre avec les résurgences du franquisme honni. L’autre est plus vieux, une séduction ambiguë masquée par un teint maladif. Assez sympathique en dépit de son passé trouble dans les rangs de la police de Franco. Deux flics qui doivent collaborer au-delà leurs antagonismes, interprétés par deux comédiens fantastiques d’intensité. Deux flics qui gardent chacun une part d’ombre, évitant ainsi le cliché facile du good cop – bad cop.
UN POLAR DE BELLE FACTURE. Une histoire inspirée de 2666, roman extraordinaire du chilien Roberto Bolaño. Lui-même inspiré d’une série d’assassinats de femmes commis dans les années 90 à Ciudad Juarez, dans le nord du Mexique. Deux flics, un tueur en série des femmes assassinées, des rizières (non ce n’est pas Memories of Murder de Bong Joon-ho, chez d’œuvre difficile à égaler…), mais cette Isla Minima d’Alberto Rodríguez demeure un très bon polar, ancré dans un territoire secret et méconnu, surprenant à bien des égards.
Titre français :
La Isla Minima
Titre original :
La Isla Minima
Réalisation :
Alberto Rodríguez
Scénario :
Alberto Rodriguez, Rafael Cobos
Casting :
Raúl Arévalo, Javier Gutiérrez, Antonio de la Torre
Nationalité :
Espagnol
Langue de la VO :
Espagnol
Année de sortie :
2015
Durée :
1h44
Couleur / noir et blanc :
Couleur
Autres :
Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original, meilleur acteur… Ce film a raflé 10 statuettes à la cérémonie des Goya, équivalent espagnol de nos Césars.
Les 7 vierges (2005). Avec Juan José Ballesta, Jesús Carroza, Alba Rodríguez.
2666, roman du Chilien Roberto Bolaño qui a inspiré l’histoire de La Isla Minima.
Rojo (2018). Film argentin de Benjamin Naishtat. L’ambianec angoissante d’un pays qui bascule dans la dictature. Avec Darío Grandinetti.
Dave Robicheaux et les ambiances de James Lee Burke en général (en Louisiane). Bertrand Tavernier en avait réussi une très belle adaptation avec Dans la brume électrique (2009). Avec Tommy Lee Jones, John Goodman.
La série True Detective de Nic Pizzolatto (la saison 1, sortie en 2014).
Seven, film de David Fincher (1995). Avec Brad Pitt, Morgan Freeman, Kevin Spacey et Gwyneth Paltrow.