LES NOUVEAUX SAUVAGES, de Damián Szifron

Car c’est un film grand-guignolesque et provocateur sur des personnes comme vous et moi qui, un jour, franchissent la ligne qui sépare la civilisation de la barbarie. Pour la bonne dose de kiff, politiquement très incorrecte, que procure ce brutal craquage. Car ce film argentin audacieux dans ses excès – plus grand succès populaire du siècle (à domicile) – mérite qu’on s’y arrête quelques instants. Pour ces nouveaux sauvages, vulnérables devant l’inconnu, victimes de l’injustice et des dérives auquel nous expose le monde actuel. Flippant.

UN CERTAIN PLAISIR AU PÉTAGE DE PLOMBS. La morale de ces histoires pimentées s’apparente à celle de Théo justifiant son attaque indue des frères Volfoni dans Les Tontons Flingueurs : « Je te dis pas que c’est pas injuste. Je te dis que ça soulage. » Une envie enfin assouvie de passer en mode barbare devant l’injustice de certaines situations. Damian Szifron, créateur et réalisateur des Nouveaux Sauvages dont c’est le troisième film (également à l’origine de Los Simuladores – Les Simulateurs, une série télé très populaire en Argentine) ne dit pas autre chose. « On vit dans des sociétés génératrices de situations qui provoquent beaucoup de frustrations. Face à cela, la plupart des gens implosent, soit en déprimant, soit en étant très stressés, soit en développant toutes sortes de maladies comme par exemple l’infarctus. Et puis, quelques autres personnes explosent. C’est à elles que mon film est consacré. » La preuve par six histoires mordantes qui sont autant de prétextes où elles perdent les pédales et éprouvent l’indéniable plaisir communicatif du dérapage incontrôlé. Big time.

UNE BELLE BROCHETTE DE VAINQUEURS. Les Nouveaux Sauvages est à date) le film argentin le plus populaire de l’histoire de ce cinéma (3,4 millions de spectateurs au pays), a été présélectionné à la course aux Oscars pour le meilleur film étranger et au Festival de Cannes 2014. C’est dire l’engouement suscité par ce film irrévérencieux qui semble avoir agi comme une catharsis collective. Un succès qui peut aussi s’expliquer par l’exceptionnel casting ou encore par l’universalité du propos qui a conquis les spectateurs à travers le monde. Un grand défouloir mondial.

DE L’AVANTAGE ET DE L’INCONVÉNIENT DU FILM À SKETCHES. Un exercice à hauts risques car il est très peu probable de garder une qualité également élevée sur tous les chapitres du film. Les Nouveaux Monstres (I Nuovi monstri, 1978) où interviennent 4 réalisateurs de talent (Dino Risi, Ettore Scola, Mario Monicelli), film référent de notre petit cousin argentin, n’échappe pas à la règle. Damián Szifron, seul aux manettes, ne dément pas l’adage. Le grand avantage cependant de ce format à épisodes est de provoquer des discussions à n’en plus finir sur les forces et faiblesses des uns et des autres ou pour défendre celui qu’on préfère (perso j’ai un faible pour Darin en ingénieur spécialiste des explosifs. Quel sera le vôtre ?..). Dans tous les cas, la mécanique est simple et bien huilée : un engrenage fatal fait passer par à-coups de violences une situation lambda à une tragédie si atroce qu’elle en devient hilarante.