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Paris, dans les années 1950. Maigret enquête sur la mort d’une jeune fille. Rien ne permet de l’identifier, personne ne semble l’avoir connue, ni se souvenir d’elle. Elle n’a pas de nom et, plutôt que d’en mettre un sur l’assassin, Maigret se préoccupe de trouver celui qu’elle portait. Il rencontre une délinquante, qui ressemble étrangement à la victime, et qui réveille en lui le souvenir d’une autre disparition, plus ancienne et plus intime.
Avec ce Maigret sombre et introspectif, Leconte fait le portrait d’un homme plus qu’il ne suit l’enquête. Le portrait d’un homme vieillissant, époux tranquille et père marqué par la perte de sa fille, qui voit son monde sombrer. Où le choix de Depardieu apparait comme une évidence tant le comédien habite littéralement ce personnage taiseux et mélancolique, d’une sensibilité inédite. Une très jolie surprise.
Car ce très beau Maigret, film atmosphérique d’une esthétique rare, quasi expressionniste, à la fois introspectif et crépusculaire, réussit à réinventer ce personnage emblématique pourtant mille fois exploité. Parce que Depardieu, attentif et attentionné, nous fait la très belle surprise d’une interprétation émouvante et juste. Pour Mme Maigret, rarement aussi présente, interprétée par la merveilleuse Anne Loiret. Car plus que la réinvention du personnage de Maigret, sa pipe (éteinte), son chapeau, son pardessus et son fameux flair de flic, Leconte a surtout réalisé un grand film sur un sentiment précieux, peut-être la forme la plus noble de l’intelligence : l’empathie.
RETOUR GAGNANT. « Il ne faut pas qu’il ait l’air intelligent. Il n’est pas intelligent, mais intuitif. Il est bovin, un peu pachydermique, un homme très ordinaire, d’une culture moyenne, mais il renifle les gens. » Le commissaire Maigret est l’un des personnages de roman policier francophone parmi les plus mondialement connus tant il a été adapté (plus de 70 fois au cinéma, et plus de 300 films à la télévision). Un personnage que l’on n’avait plus vu au cinéma depuis l’époque où il était incarné par Jean Gabin. Depardieu semble avoir toujours eu la carrure du légendaire commissaire. Très bonne surprise, le style et le jeu sobre de Gérard Depardieu honorent le héros de Georges Simenon. Tout en le réinventant.
DEPARDIEU, MONUMENTAL MAIGRET. Dans sa deuxième adaptation de Simenon après le remarquable Monsieur Hier (1989), Leconte fait le choix d’un Maigret doux et intimiste. Et dès les premiers plans s’installe une évidence : Maigret est Depardieu. Dans une version du commissaire qui ne fume plus la pipe, qui ne boit plus, qui broie du noir, et se soucie moins de confondre le coupable que d’identifier la victime qui lui rappelle sa propre fille, disparue très jeune elle aussi. Le film s’intéresse essentiellement au parcours de la victime, cette femme n’étant qu’un prétexte à une enquête. L’intrigue, d’apparence classique, masque un polar mélancolique, pétri d’étrangeté. Où Maigret, incarné par un Depardieu massif autant que fantomatique, nous laisse deviner la face intime et moins familière d’un commissaire qui vit dans ses pensées, avec ceux qui le hantent. Doté d’une empathie qui fait de lui ce grand limier, apte à comprendre l’autre et ce qu’il ressent. Cette même empathie permet aussi à Depardieu de devenir ce personnage. Impressionnant. Leconte ajoute à Simenon un flou, un tremblé à la Modiano, et offre à Depardieu l’un de ses plus beaux rôles. Un grand fauve las, bourrelé de perte et de remords.
LE PARIS DES MATINS GRIS. Avec une élégance inouïe, Patrice Leconte fait rejaillir un Paris d’autrefois, dans les années 1950 où flotte encore dans l’air la poisse de la guerre. Il y a de belles carrosseries le long des trottoirs, des concierges pipelettes qui passent le balai dans les cours, comme dans les photos de Doisneau. Le XXe siècle c’était hier et toute une époque perdue nous devient familière. Des beaux quartiers aux contre-allées sinistres, en passant par les studios de cinéma, le film recrée habilement un « autrefois » crédible aussi épuré que peuvent l’être les pages d’un Simenon. Leconte a parfaitement intégré la formule consacrée selon laquelle « Simenon, c’est une atmosphère ». Dans Maigret, cela se traduit par une facture froide, forgée par la lumière d’Yves Angelo (directeur photo de Tous les matins du monde) qui fait davantage ressortir par contraste la bienveillance du commissaire, touché par le sort de cette jeune femme, l’une parmi tant d’autres petites provinciales désireuses d’émancipation, montées à Paris, pleines de rêves et d’illusions avant de finir englouties. Convaincues qu’elles ne devaient leur salut qu’aux hommes, au sexe et à leur photogénie. L’ambiance grise du film est à l’unisson des états d’âme d’un Maigret en fin de course, rattrapé par le passé d’où surgit un fantôme.
Titre original :
Maigret
Réalisation :
Patrice Leconte
Scénario :
Patrice Leconte, Jérôme Tonnerre, D'après Georges Simenon, Maigret et la jeune morte (1954)
Casting :
Gérard Depardieu , Jade Labeste, Mélanie Bernier, Aurore Clément, André Wilms (son dernier film), Hervé Pierre, Clara Antoons, Anne Loiret, Elizabeth Bourgine
Bande Originale :
Bruno Coulais
Nationalité :
Française
Langue de la VO :
Français
Année de sortie :
2022
Durée :
1h28
Couleur / noir et blanc :
Couleur
Les spécialistes (1985). 1h32. Avec Gérard Lanvin, Bernard Giraudeau, Christiane Jean. Stéphane et Paul, deux détenus en cavale, se réfugient dans un mas isolé occupé par une étrange jeune femme, Laura. Provisoirement en sécurité, les deux compères vont tenter un casse d’une folle audace : subtiliser à la mafia trois milliards qui dorment dans le coffre inviolable d’un casino niçois.
Monsieur Hire (1989). Avec Michel Blanc, Sandrine Bonnaire, Luc Thuillier. M. Hire vit depuis des années dans le même appartement, ni pauvre ni riche. Il attend. Alice, qui loge dans un studio juste en face, se rend brusquement compte qu’il l’observe depuis des mois. Il sait tout d’elle et en tombe amoureux, alors qu’Alice est éprise d’Emile et prête a tout pour le protéger.
Le mieux est de se tourner vers les œuvres originales, pour se régaler des atmosphères du Nord, des campagnes, du Paris de l’après-guerre. Retrouver le style si simple et imagé de Simenon. Du bonheur.
Bien sûr il y a aussi les séries qui ont bercé notre enfance (avec Bruno Crémer surtout pour ma part).
La liste des adaptations cinés de Maigret est immense. Une sélection personnelle ci-dessous.
Les Simenon sans Maigret qui valent le coup d’œil :