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L’histoire de l’ascension sociale d’un beau gosse, issu d’un milieu modeste, dans la bonne société londonienne, que rien ne saurait faire dévier de sa trajectoire. Pas même une ravissante maîtresse encombrante. Un grand film de Woody, profondément pessimiste, également perçu comme le plus sexy de tous ses films par son public, du fait de son casting glamourissime. Une fable noire et sexuée sur l’arrivisme et la passion qui tient toutes ses promesses. Un très joli tour de force.
Car c’est un film original et surprenant, petit OVNI dans la longue et riche filmographie de Woody Allen. Pour la puissance de son propos, la noirceur dostoïevskienne d’un crime sans châtiment, l’acuité politique qui dénonce l’écrasement inéluctable des faibles par les forts. Car c’est un film dérangeant, profondément amoral et cynique, qui ne cesse de titiller notre conscience. Pour l’alchimie parfaite de son casting qui nous met des étoiles dans les yeux, envers et contre tout. Car c’est un film magnifique et désespéré sur le désir, sur le conflit éternel entre la tentation et la raison, le rêve de bonheur et l’ambition, qui se conclut bien amèrement. Sans pitié.
NOIR C’EST VRAIMENT TRÈS NOIR. PLUS D’ESPOIR. Match Point n’est pas sans rappeler Une place au soleil (1951), chef-d’œuvre de George Stevens d’après le roman de Theodore Dreiser An American Tragedy déjà porté à l’écran par Sternberg vingt ans plus tôt. À une (immense) nuance près. Un penchant radicalement plus noir et cynique, avec un anti-héros (Jonathan Rhys-Meyers) nettement plus amoral, monstrueux et glaçant que le personnage pathétique, victime des circonstances plus que véritable tueur à sang froid, interprété par Montgomery Clift.
ET POURTANT SI GLAMOUR. Avec sa distribution renouvelée et sa délocalisation à Londres, Match point est apparu à sa sortie comme un film éminemment original, comme un nouveau départ dans la carrière de Woody Allen. À y regarder de plus près cependant, il y creuse le sillon très sombre déjà exploré par Crimes et Délits (1989). Une réflexion sur la faute et la culpabilité qui mettait déjà en scène l’assassinat d’une maîtresse encombrante. Le paradoxe de l’image de Match Point réside dans l’opposition entre la noirceur du propos et la beauté des interprètes, le couple formé par Jonhatan Rhys-Meyers et Scarlett Johansson en premier lieu. Introduisant un érotisme et une sensualité jusqu’alors assez absents chez Woody Allen. Une recette imparable visiblement pour rendre glamour et sexy l’image d’un film remarquable par son pessimisme, annonçant une faillite de la morale et de la loi dans nos sociétés avides de réussite sociale, quoiqu’il en coûte.
UNE ACUITÉ POLITIQUE FÉROCE. Match Point, sous le romanesque de sa mise en scène, décortique les rapports de classe qui conditionnent le comportement et le destin des hommes dans le système social. Brrr. Alors que notre arriviste cède aux charmes de la jeune Nola, charmante américaine qui le ramène à ses propres origines modestes, Chris joue le jeu de la comédie sociale avec sa femme, issue d’une famille de richissimes industriels. Il est désormais lancé sur la voie d’une double conquête. Celle d’une entente bien comprise avec sa femme Chloé, celle d’une passion dévorante avec Nola. Jusqu’à l’irrésistible crescendo qui va faire basculer cette guerre des classes qui ne dit pas son nom dans l’horreur explicite du film noir. Non sans rappeler La règle du jeu de Jean Renoir, un crime odieux va alors permettre au jeu social de continuer comme si de rien n’était. Un jeu des apparences où l’imposture se poursuit à l’abri d’un déterminisme social bien intégré. Match Point, la balle de match du titre, en suspension alors qu’elle vient de heurter le filet, va orienter le destin de la plus sinistre des manières. Preuve finale d’une justice immanente ? Tout le contraire
Couleur / noir et blanc :
Couleur
La filmographie de Woody Allen nous offre pléthore d’excellents polars, plus ou moins humoristiques. Plus ou moins noirs. Tous recommandés.
Crimes et délits (Crimes and Misdemeanors, 1989). Avec Anjelica Huston, Woody Allen, Mia Farrow, Martin Landau, Alan Alda. Un ophtalmologue rencontre par hasard un documentariste. Ensemble, ils vont réaliser qu’ils ont commis à eux deux énormément de crimes et délits. Un chef d’œuvre annonciateur du brillant Match Point avec pour thèmes le crime et la chance.
Coups de feu sur Broadway (Bullets Over Broadway, 1994). Avec John Cusack, Dianne Wiest, Rob Reiner, Jennifer Tilly, Tracey Ullman, Chazz Palminteri. Une comédie policière dans le New-York des années 20, où un jeune auteur de théâtre passe un marché avec un gangster : celui-ci finance sa pièce, mais en échange sa petite amie est engagée. Très charmant.
Escrocs mais pas trop (Small time crooks, 2000). Avec Woody Allen, Tracey Ullman, Une sympathique comédie déjantée.
Le sortilège du scorpion de Jade (The Curse of the Jade Scorpion, 2001). Avec Woody Allen, Helen Hunt, Dan Aykroyd. Une excellente fantaisie policière dans le New-York mythique des années 40. La touche magique de Woody y fonctionne à merveille