UN BEAU VOYOU, de Lucas Bernard

Bien

Très bien

Un Must

Monte-en-l’air sur les toits parisiens

Le pitch

Le commissaire Beffrois, proche de la retraite, se prépare à une vie pleine d’ennui quand un vol de tableau lui redonne un coup de fouet. Commence alors, entre lui et le voleur, un jeu du chat et de la souris, loin des sentiers battus. Plutôt qu’un beau coup en fin de carrière, il attend de cette dernière enquête un divertissement, un ultime frisson. Dialogues savoureux, personnages délicieusement décalés, acteurs irrésistibles qui s’en donnent à cœur joie… Décidément, cette comédie policière piquante au charme désuet mérite qu’on s’y attarde. Dès 12 ans.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car ce premier film du chef opérateur Lucas Bernard, atypique bien des égards, fait preuve d’une jolie fantaisie. Parce que les acteurs excellent dans cette partition légère, aux dialogues ciselés. Car cette comédie policière au charme mutin sort des sentiers battus tout en faisant références aux belles heures de la comédie française.

DES PERSONNAGES FARFELUS, IRRÉSISTIBLES. Servis par une distribution réjouissante. Le commissaire Beffrois (Charles Berling, truculent), délicieux loser « de droite, par réflexe », n’a pas vu le temps passer. Veuf d’une amatrice d’art qu’il a docilement suivie dans des expositions. Désormais sans enfants (ses grands garçons ayant quitté le nid), il se retrouve désemparé à quelques jours de la retraite. Avec ses chemises bariolées rescapées des seventies et ses mocassins avachis, il ressemble à s’y méprendre à un Columbo de banlieue qui aurait perdu sa boussole. Mais voilà qu’un vol de tableau rallume en lui l’amour du métier. « Ça sent le beau voyou, pas celui qui pue la misère et dont j’ai fait le tour. » Un audacieux monte-en-l’air joué par le toujours parfait Swann Arlaud. Jeune Arsène Lupin plein de ressource, sorti du cadre petit-bourgeois dans lequel il a grandi, et devant faire avec l’anticonformisme et la forte personnalité d’une jeune restauratrice de tableaux sans tabous dont il est amoureux (Jennifer Decker, de la Comédie-Française, d’un charme irrésistible). Elle-même fille de restaurateur résolument insupportable et drôlissime (Jean-Quentin Châtelain), cabotin à la verve caustique.

UNE INITIATION ARTISTIQUE. Notre flic passablement déprimé voit sa vision du monde et de l’art progressivement évoluer au rythme de cette enquête de la dernière chance. Même si pour lui, réévaluer et repenser sa vie au prisme de l’art contemporain ne va pas sans une certaine perplexité et une bonne dose d’humour. Pour revenir finalement aux convictions que prônait sa femme, amatrice d’art, désormais disparue. Une morale enthousiasmante court tout au long de cette comédie d’initiation sur le tard : l’art libère même (et surtout) quand on peine à le saisir…

UNE MISE EN SCÈNE ALERTE ET RÉFÉRENCÉE. Cette fantaisie romanesque, finement écrite, rappelle les belles heures des comédies françaises. Où les personnages, leur vérité l’emportent toujours sur l’intrigue. À l’évidence, Lucas Bernard s’est délecté à l’écriture du scénario en dessinant des personnages joliment décalés. Avec des dialogues narquois qui lorgnent du côté de Pierre Salvadori. Ou encore de Philippe de Broca. Dans un certain goût pour la mythomanie des hommes qui s’inventent des vies plus belles que la vie (Swann Arlaud, malicieux et fuyant). Pour les femmes décidées, jolies, libres et sensuelles. Pour les hommes vieillissants qui ne manquent pas de séduction et de folie douce. Lucas Bernard sait aussi capter l’authenticité des lieux (petit logement HLM ou pavillon de la banlieue ouest), échafauder des ballets sur les toits (clin d’œil aux voleurs masqués des Vampires de Feuillade et de La Main au collet d’Hitchcock…) ou encore orchestrer des courses poursuites hilarantes dans les rues de Paris. Un jeu du chat et de la souris au charme désuet qui lorgne aussi vers les comédies hollywoodiennes des années 50. Une bien jolie réussite.