UN HÉROS, d'Asghar Farhadi

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Kafka en Iran

Le pitch

Rahim est en prison à cause d’une dette impayée. Il saisit l’aubaine d’une permission de deux jours pour tenter de convaincre son créancier réticent de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu. Inspirée d’un fait divers, cette histoire iranienne – universelle – questionne la ligne ténue qui départage la vérité du mensonge. Un drame social traité comme un thriller. Noir et empathique. Dès 12 ans (ambitieux mais faisable).

Pourquoi je vous le conseille ?

Car Asghar Farhadi, réalisateur phare du cinéma iranien depuis la disparition d’Abbas Kiarostami, montre la réalité de son pays dans un style naturaliste saisissant qui lui est propre. Pour se pencher sur le besoin malsain qu’ont les sociétés de se créer des modèles. Pour réfléchir aux héros factices, aux célébrités d’un jour, aux fake news et aux conséquences terribles de la rumeur accélérée par les réseaux sociaux. Pour se laisser embarquer dans un drame humain qui a emprunté pour l’occasion les attributs du thriller.

UN HÉROS (DISCUTABLE). C’est bien là toute l’ironie du réalisateur qui surprend son monde avec un titre trompeur, pour finalement nous raconter l’histoire d’un homme qui n’a rien d’héroïque. Malice supplémentaire, le drame se noue à Chiraz, haut-lieu historique, fierté des Iraniens où sont le plus souvent honorés les grands noms de la patrie. On y suit les tergiversations d’un homme ordinaire pris au piège d’une machination bancale, qui le fera passer par toutes les émotions humaines, du bonheur au désespoir.  Avec son visage indéchiffrable au sourire énigmatique et triste (quasi) permanent, il est impossible de saisir les pensées de ce héros d’un jour. Et l’on se demande à chaque retournement de situation s’il ment ou s’il est simplement profondément candide. Une ambiguïté qui nourrit le suspense de ce film remarquablement construit. Avec un acteur absolument formidable dans ce rôle d’une grande finesse : Amir Jadidi.

QUAND LA RUMEUR GRONDE. C’est le cœur du sujet. L’épine dans le pied du héros, dans un pays où la question de la réputation est fondamentale. Où il est vital de montrer son pédigrée de bon citoyen pour éviter toute déconvenue judiciaire, familiale, affective. Tous les moyens sont bons pour garder son honneur sauf et la tête haute. Mais tous les arrangements que notre héros fait avec le mensonge, la probité, la parole donnée, le font basculer du statut de héros à celui de paria à la vitesse de la lumière, dans un monde dominé par les réseaux sociaux, en Iran comme ailleurs.

UNE SOCIÉTÉ IRANIENNE EN QUESTION. Si Farhadi a pu être taxé de complaisance vis-à-vis du régime, lui dont les films sont sélectionnés avec l’accord du Pouvoir dans tous les plus grands festivals internationaux, il n’en distille pas moins des messages bien sentis. Sur la situation déplorable des détenus dans les prisons où les suicides sont légion. Sur les actions des associations caritatives de la bonne société sollicitées en dernier recours. Sur la relativité de la justice. Sur la morale imposée par l’État qui infantilise ses citoyens en les récompensant de leurs (supposées) bonnes actions… Une société régie par des lois si complexes et rigides que chacun semble obéir à des désir obscurs et inavouables. Ashgar Fahradi nous offre une peinture sociale aussi noire qu’empathique à l’égard de personnages qui ont tous de bonnes raisons d’agir comme ils le font, contraints par une société qui tend à favoriser la dissimulation et le cynisme. Aucun manichéisme ni jugement n’interviennent dans un récit dont la finesse et l’ambivalence sont servies par des acteurs d’une grande justesse. Un film qui dénonce, quoiqu’on en dise, la République Islamique d’Iran et qui mérite tout le succès qu’on lui souhaite. Ce ne serait que justice.

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