L’ALIÉNISTE, de Caleb Carr

Pour l’atmosphère électrique qui se dégage du New York décrit dans sa dualité, au tournant du siècle dernier. Parce que le charme des polars historiques à la Conan Doyle opère toujours. Pour le plaisir de découvrir les balbutiements de la police scientifique. Parce que l’intrigue est très bien ficelée. Car en 1995, Caleb Carr faisait avec ce roman une entrée fracassante dans l’univers du polar.

VERS UN MONDE NOUVEAU. Avec un grand souci du détail, le roman dresse le portrait de New York à l’aube de sa modernité. Une ville encore très miséreuse où les 400 familles les plus riches vivent heureuses et protégées, à l’écart d’immigrants pauvres, ostracisés, entassés dans des taudis. Une ville en construction, prête à se déployer, où l’on perçoit les prémices d’un futur développement économique et industriel. Une ère indécise enfin, où les pouvoirs publics, très conservateurs, et l’institution policière, corrompue et misogyne, sont vent debout contre les nouvelles méthodes d’investigation.  Une lutte ancestrale entre les Anciens et les Modernes que l’on retrouve sur le terrain de l’investigation criminelle

LES DÉBUTS DE LA PSYCHOLOGIE CRIMINELLE. Dans ce contexte chahuté, où le concept de « serial killer » n’existait pas encore, la police scientifique doit jouer des coudes pour se faire entendre. Avec la traque d’un tueur particulièrement ignoble par un pionnier de la psychiatrie et ses acolytes, Caleb Carr fait la démonstration d’une nécessaire modernisation des techniques d’investigation et de l’influence grandissante des progrès scientifiques sur le travail de la police. Anthropométrie, dactyloscopie, psychiatrie, médecine légale… des techniques qui nous apparaissent le b.a. ba de l’investigation étaient faits rarissimes à l’époque. Que de chemin parcouru.

UN CHARME DÉSUET. Une ambiance à la Conan Doyle, matinée d’Eugène Sue, avec une pincée de Jack l’Éventreur : L’Aliéniste s’adresse aux amateurs de fresques historiques, irriguées par moults détails et digressions atmosphériques. Une histoire qui convie personnages de fiction et personnages réels. Une enquête qui suit un cours sinueux et minutieux. Bref, si cette tradition feuilletonniste vous assomme d’avance, passez votre chemin. Pour les autres, plongez-vous avec délice dans ce gigantesque puzzle historique.