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C’est l’histoire d’un mec, cadre dans une entreprise, qui devient la cible de tueurs. Mais au lieu de porter plainte et de s’en remettre à la police, il décide de fuir. Pourquoi, pour qui ? Le « malaise des cadres » version seventies, imaginée par le père spirituel du néo-polar .
Pour l’histoire incongrue de cet homme qui décide de jeter aux orties tout ce qui constituait sa vie. Pour le meilleur et surtout pour le pire. Pour l’ironie grinçante qui se dégage du récit écrit dans un langage parfois savant, parfois populaire. Pour la dérision et l’allégresse avec laquelle Manchette décide de dynamiter la trajectoire de son personnage, sans motif apparent, si ce n’est pa fameuse « dépression du cadre ». Une curiosité, pour beaucoup incontournable.
UNE CRITIQUE SOCIALE ET POLITIQUE : « La raison pour laquelle Georges file ainsi sur le périphérique (…), il faut la chercher surtout dans la place de Georges dans les rapports de production. » Manchette, mort prématurément à 53 ans, a irrémédiablement bouleversé le paysage du polar français pour le faire entrer dans la modernité. Loin des univers à la Simenon et Le Breton (que j’aime aussi beaucoup par ailleurs), Manchette considère que « le bon roman noir est un roman de critique sociale ». Fort de ses convictions politiques – très à gauche, vous l’aurez compris – il analyse que les structures, les organisations sociales et politiques ont une vraie responsabilité sur le devenir des individus. Le Mal va dès lors explorer des champs inédits : le milieu du travail, la précarité, l’activisme politique… Un bon nombre d’auteurs français se sont engouffrés dans la brèche à sa suite. Daeninckx, Jonquet, Vautrin…pour ne citer qu’eux.
LE PARLER MANCHETTE. Ce ne sont pas tant les sujets qui sont originaux chez Manchette (quoique) que sa façon singulière de les raconter. J’adore sa distance ironique et l’affection un peu moqueuse qu’il porte à ses personnages. Beaucoup d’excès, de violence, de situations scabreuses ou carrément choquantes émaillent ses romans, certes. Mais tout cela n’est finalement qu’une parodie destinée à montrer la noirceur et l’absurdité du monde.
UN STYLE INSOLENT ET TRÈS LITTÉRAIRE. Manchette est un grand tragédien qui se dissimule derrière un style insolent et bourré de références : le roman noir hard boiled à la Hammett, le cinéma américain des années 20 à 40, le jazz. Toute une ambiance. Tout un univers.
Auteur(s) :
Jean-Patrick Manchette
Titre français :
Le petit bleu de la côte ouest
Date de publication originale :
1976
Éditeur :
Gallimard
Autres :
Les adaptations BD de Manchette par Tardi sont remarquables. Les déclinaisons cinés (notamment 3 Delon période eighties) sont fort oubliables : Trois Hommes à abattre (Jacques Deray), Pour la peau d'un flic (par Alain lui-même) et Le Choc (Robin Davis).
Traducteur, romancier, théoricien du polar, critique de cinéma et de livres, scénariste : Manchette est un auteur majeur dont l’influence dépasse largement le strict domaine du genre.
Entre 1971 et 1982, Jean-Patrick Manchette a écrit huit romans. Ils sont réunis avec l’inachevé La Princesse de sang, paru après sa mort, dans le volume « Quarto » Romans noirs (Gallimard, 2005).
L’intégrale Tardi Manchette : Griffu, Le Petit Bleu de la côte ouest, La Position du tireur couché, Ô dingos, Ô châteaux !
BD: Adaptation par Tardi : Le petit bleu de la côte ouest, par Cabannes : Nada
Chroniques de JP Manchette, extraits de ses critiques littéraires, cinéma, BD…
Lettres du mauvais temps, correspondance 1997-1995 (posthume). 200 lettres pour nous accompagner au cœur du travail et de la réflexion de l’écrivain. Passionnant.
Une bonne partie des auteurs de romans noirs français pourraient dire : On a tous en nous quelque chose de Jean-Patrick Manchette… Et s’il se disait fils du hard-boiled américain à la Hammett , il a néanmoins influencé pléthore d’auteurs dans une veine socialisante. Citons par exemple : Thierry Jonquet, Dominique Manotti, Serge Quadruppani, Frédéric Paulin, Donald Westlake, Pierre Siniac…