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1985 à Paris. Les élections législatives se profilent plutôt mal pour la gauche au pouvoir. L’enquête sur le meurtre d’une call-girl de luxe bien connue des milieux politiques est l’occasion de suivre l’itinéraire d’un conseiller influent du Président, mouillé dans toutes sorties de magouilles, entre ventes d’armes vers l’Iran et manœuvres pour libérer les otages français retenus au Liban. Une chronique acide des dérives affairistes de la fin du 1er septennat Mitterrand. Pas sûre que tout ça nous réconcilie avec les mœurs politiques, mais on se régale de ce polar très bien structuré et écrit, mené sur fond de trafic d’armes et de compromissions gouvernementales.
Car Dominique Manotti est une autrice incontournable pour qui s’intéresse à une certaine exploration critique de nos sociétés contemporaines démocratiques. Pour son écriture nette, léchée, parfaitement rythmée, qui ne s’embarrasse pas d’adverbes inutiles. Pour sa précision documentaire et sa rigueur d’historienne. Car Manotti, dans son style sec et épuré, arrive le plus souvent à ses fins : déclencher l’indignation.
POUR DOMINIQUE MANOTTI. Grande admiratrice de James Ellroy. À l’origine, universitaire spécialiste de l’histoire économique du XIXème et militante syndicale. En fidèle héritière de Jean-Patrick Manchette, ses néo polars se font critique utile du monde social en se penchant sur les puissants, les grands trafics d’État, les travers du capitalisme à hauteur de classe moyenne. Car, comme elle le confiait au Magazine Littéraire : « Le roman noir raconte, sur le fonctionnement réel de nos sociétés, ce que tout le monde sait, plus ou moins, mais ne veut pas admettre, ou a peur d’admettre. » Que l’on partage ou pas ses convictions (très à gauche, vous l’aurez saisi), Manotti écrit des romans très noirs qui à défaut de procurer des émotions fortes, plongent leurs racines dans certaines réalités indignes qu’on ne saurait totalement ignorer.
UNE CERTAINE RÉALITE POLITIQUE ET SOCIALE À LA FRANÇAISE. De la corruption presque inséparable du pouvoir au sein des démocraties modernes. De la dénonciation des rackets et autres détournements autorisés. L’autrice sait, comme peu, analyser les dérives produites par une convergence malsaine entre crime, élite et argent. Comme le souligne cette citation célèbre de François Mitterrand reprise en ouverture du roman « L’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui écrase, l’argent qui tue, l’argent qui ruine, l’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes. » Mise en bouche truculente pour un récit qui dénonce l’affairisme aux manettes en cette fin de premier septennat dudit Président Mitterrand.
UN STYLE SEC ET ÉPURÉ. Déroulés au présent, ses récit incisifs et structurés ne s’embarrassent pas de fioritures. Des phrases courtes, descriptives juste ce qu’il faut avec tous les détails nécessaires, mais sans en faire pas trop. Son style juste et précis est à l’image de ses recherches qui nourrissent le contexte historique ultra documenté de ses polars.
Lisez plutôt ce paragraphe sur l’effraction d’un hangar par Moricet, un mercenaire à la solde de notre conseiller politique. « Une centaine de mètres à courir en terrain découvert pour atteindre les bureaux de la Camoc. Vérifie son matériel, son armement, sort, ferme la porte du hangar derrière lui, et court, plié en deux à tout hasard, ou par habitude. Un toit presque plat, à une seule pente. Saute, rétablissement, grimpe, se couche. Le plus gros risque est passé. Outils. Un trou dans la tôle en aggloméré, cisaille, découpe un carré, dégage les matières isolantes, fait glisser le faux plafond, saute à l’intérieur du bâtiment, et remet la tôle en place. L’alarme n’est branchée que sur les portes et les fenêtres. Sort un plan de sa poche, une torche électrique, se repère, et trouve directement le bureau du patron. Le long d’un mur, des casiers métalliques pleins de dossiers. Les serrures de posent pas de problème. Il est minuit, Moricet est à pied d’œuvre. »
Auteur(s) :
Dominique Manotti
Titre original :
Nos fantastiques années fric
Date de publication originale :
2001
Éditeur :
Rivages / Noir
Autres :
Prix Mystère de la Critique 2002, le prix du roman noir du Festival de Cognac 2002, Adapté au cinéma par Eric Valette : Une affaire d’Etat (2009). Scénario d’Alexandre Charlot et Franck Magnier. Avec André Dussollier, Thierry Frémont, Rachida Brakni.
La série Théo Daquin, du nom de l’inspecteur personnage récurrent :
Série Noria Ghozali
Toujours inscrits dans leur contexte politique et social :