ON ÉTAIT DES LOUPS, de Sandrine Collette

Livre
Bien
Très bien
Un Must
On ne naît pas père

Le pitch

Un homme en marge de la société, vivant dans une région de montagne reculée, contraint de s’occuper seul de son petit garçon de cinq ans après la mort tragique de sa compagne, entame un long voyage à cheval avec son fils, dans les montagnes sauvages. Un questionnement sur l’amour filial où la nature tient le premier rôle. Une histoire sombre et âpre qui étonne par son style serré, oralisé, que je trouve particulièrement touchant. Un très bon cru de Sandrine Collette sur la naissance d’un père en milieu hostile. Un beau livre sur la mort d’un monde et la renaissance d’un homme.

Pourquoi je vous le conseille ?

Car c’est un beau roman sur le deuil, la paternité, la violence des hommes et leur place dans une nature pleine de beauté et de surpuissance. Parce que Sandrine Collette, loin d’une veine manichéiste qui glorifierait la nature à tout prix, s’interroge sur cette frontière ténue qui distingue l’homme de l’animal. Car c’est un roman d’apprentissage qui se dévore comme un thriller, dans une langue sèche et poétique. Car c’est un roman initiatique qui se nourrit d’espérance.  « Ça n’existe pas la vie d’un homme qui ne regretterait rien (…) Les erreurs ça sert à être pardonné. » Pour questionner la place de l’homme dans la nature, et ce qui peut, malgré la violence et les aléas de l’existence, faire bifurquer une route pour conduire l’homme vers son humanité.

RESTER HUMAIN. On est dans la tête de Liam, un chasseur vivant « comme une bête au milieu de la montagne », et pour qui rester humain est un combat de chaque instant. « Ce qui m’a toujours intéressée, c’est la frontière entre l’humanité et l’animalité », explique Sandrine Collette. On retrouve dans On était des Loups ce monde sauvage cher à l’autrice, aussi fascinant qu’inquiétant, aussi sublime que cruel. Liam, notre héros, le sait bien, lui qui a choisi de vivre isolé dans les forêts montagneuses, où il passe ses journées à chasser le gibier. Seule la jolie Ava a réussi à l’apprivoiser et lui a donné un fils, Aru. Mais quand il la retrouve morte, déchiquetée par un ours, il se retrouve seul avec leur fils. Que peut-il faire désormais de ce gamin de 5 ans, inapte à survivre en milieu hostile ? Tiraillé entre le désir de se débarrasser de son fiston encombrant et la nécessité d’assumer son rôle de père protecteur, Liam va s’engager dans un voyage aux allures de parcours initiatique.

DEVENIR PÈRE. « La chose qu’il demande le gosse c’est un peu de tendresse un truc comme ça. Il ne le dit pas c’est invisible sauf que c’est tellement là que l’air en frissonne, et je sens les vibrations vers moi que je repousse d’un geste de la main et je voudrais lui dire que c‘est pas la peine, la tendresse je n’en ai pas du tout ou pas pour lui (…) ». Il y a quelque chose d’une parabole dans cette œuvre qui comme toutes celles de l’autrice, questionne la frontière entre humanité et bestialité. Naît-on homme ? Naît-on père ? La situation de Liam le renvoie à son propre passé, son enfance volée, sous les coups et l’indifférence de ses propres parents. Comment dès lors se construire sans fondations ? Peut-on échapper à son passé ? À son destin ? L’auteur montre bien comment d’une tragédie peut naître la joie, et le mal devenir un remède alors que d’un chapitre à l’autre, nous passons de la peur à la douleur et de la souffrance à l’espérance.

UNE VOIX SINGULIÈRE. Collette donne une épaisseur particulière à ce combat intérieur féroce, dans un texte ramassé, d’une écriture serrée et sèche, presque vide de ponctuation. Dans un récit déroulé à la première personne, comme un flux de pensée dont on ne sort jamais, on accompagne Liam dans les replis les plus sombres de son âme, parfois jusqu’à l’inimaginable. Sandrine Collette a su trouver un rythme, un ton, une voix qui en disent long avec très peu de mots et presque sans virgules. Le monologue d’un homme à l’état sauvage qui part en quête de son humanité, s’ouvrant à questionnements douloureux, des pensée innommables, une colère viscérale. « Je suis en colère contre la vie le monde, le monde je jure je lui ferai la peau ». Jusqu’où sa haine ira-t-elle ? Ce cheminement d’homme et de père provoque certaines émotions fortes au détour d’une phrase, d’un sentiment à peine suggéré. Sandrine Collette a le don de me glacer et de m’émouvoir. « En vrai c’est la lueur éperdue dans ses yeux bleus qui me rend dingue, cette lueur qui me cherche simplement pour s’accrocher à moi, pour que j’ouvre une brèche une possibilité la largeur de mes bras et cette quête-là, cette prière muette je n’y arrive pas il peut toujours rêver. »

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