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Suède, 1965. Le corps d’une jeune femme est retrouvé dans un canal proche de la petite ville de Motala. Martin Beck, de la police criminelle de Stockholm, est dépêché en renfort auprès de l’équipe locale chargée de l’enquête. Le premier des 10 romans qui constituent « Le roman d’un crime » (1965-1975). Un roman noir empreint de réalisme social qui a signé l’acte de naissance du polar scandinave.
Car ce couple aux noms imprononçables, Per Wahlöö et Maj Sjöwall (« Cheuval et Va-leu ») a joué un rôle fondamental dans l’évolution du roman policier scandinave en s’affranchissant des récits d’énigme inspirés par l’école britannique alors très en vogue, pour ouvrir la voie au polar réaliste qui fera florès. Parce que les couples littéraires de cet acabit ne sont pas si courants. Pour Martin Beck, flic lambda, qui se distingue par son obstination et sa patience. Car suivant un rythme lent, méticuleux, précis, les enquêtes de Beck et son équipe sont absolument passionnantes et nous racontent au passage l’envers du décor de la social-démocratie à la scandinave. Un retour aux sources passionnant et salutaire.
UN REGARD CRITIQUE SUR LE MODÈLE DE SOCIÉTÉ SUÉDOIS. Per Wahlöö a été journaliste sportif, puis critique ciné, avant de se lancer dans l’écriture, d’abord en solo. Il rencontre Maj Sjöwall (de 9 ans sa cadette) en 1961. Elle travaille dans l’édition. Tous deux passionnés de criminologie, de politique (bien ancrés à gauche) et de littérature, vont nouer leur relation de couple autour de ce projet d’écriture en binôme. Henning Mankell nous éclaire sur leurs intentions dans la préface de ce premier tome de la série, saluant l’éternelle modernité de leur propos. « Ils voulaient se servir du crime et des investigations policières comme d’un miroir de la société suédoise, avant d’y intégrer ensuite le reste du monde ». Loin de la vision idéalisée de l’Etat-providence suédois, le duo voulait, selon leurs propres dires, « montrer ce vers quoi la Suède s’acheminait : vers une société capitaliste froide et inhumaine où les riches devenaient de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. » Le « roman d’un crime » deviendrait alors le crime de la social-démocratie suédoise à l’égard d’une classe ouvrière qu’elle aurait abandonnée, perdant de vue ses principes fondamentaux. Un projet politique et une critique sociale embryonnaires dans Roseanna et qui prendront force et forme au fil de la saga. Avec une clairvoyance et un esprit visionnaire qui nous laissent rêveurs. Corruption, meurtres de masse, jusqu’à l’assassinat d’un premier ministre, onze ans avant Olof Palme…
MARTIN BECK, LE FLIC CONSCIENCIEUX. On peut lire sur la 4ème de couverture : » Longtemps, les investigations piétinent, mais si Beck est un bon flic, c’est parce qu’il possède « les trois qualités les plus importantes indispensables à un policier : il est têtu, il est logique et il est d’un calme absolu. Sans oublier qu’il est patient, incroyablement patient… « . Avec ces quelques mots, on comprend que tout l’attrait de l’univers de Wahlöö et Sjöwall réside dans la lenteur nécessaire et incompressible d’une investigation, dans ses méandres incontournables, dans le travail fastidieux de fourmi qu’elle nécessite. Et cela sans que le lecteur ne souffre d’ennui, bien au contraire. Un ancrage dans le quotidien inspiré par Ed McBain, créateur de la série 87ème District avec Steve Carella et sa bande, née en 1956. Entre 1965 et 1975, le duo écrira 10 titres formant un tout – « Le roman d’un crime » – qui fait date dans l’histoire du polar nordique. Où les policiers sont présentés dans la banalité de leur quotidien, dont la réussite repose plus sur la ténacité et la patience que sur des capacités de déduction à la Sherlock Holmes. Des enquêtes où l’espace-temps semble s’étirer ou se contracter à l’infini. Où la patience devient la vertu cardinale, mère de la résolution des crimes. Où le travail collectif, minutieux, acharné, est seul à même de mener à la victoire.
DES PERSONNAGES ATTACHANTS. Martin Beck n’a rien d’un personnage spectaculaire. Tout au contraire. Il a été agent de la circulation avant d’être inspecteur puis commissaire à la police de Stockholm, et c’est bien là le max de ses ambitions. Consciencieux, son métier l’accapare complètement. Il a une vie austère et sinistre. Un mariage qui prend l’eau. Des enfants transparents dont il n’a que faire. Il fume trop et dort trop peu. Il est entouré d’une équipe de détectives, de caractères complémentaires, tous dévoués et bosseurs. On est saisi d’une immense affection pour eux, pour leurs maux et leurs malaises. On prend plaisir à suivre leur évolution au fil de la saga. La grande force de cette série est d’exprimer une empathie réelle pour les victimes, mais également pour les criminels, tous produits d’une société et de ses injustices. A l’image d’un Maigret par Simenon qui ne se pose pas en juge des actes odieux dont il est le témoin.
Auteur(s) :
Maj Sjöwall , Per Wahlöö
Titre français :
Roseanna
Titre original :
Roseanna
Date de publication originale :
1965
Date de publication en France :
1985
Éditeur :
Rivages / Noir
Traduction :
Nouvelle traduction par Michel Deutsch en 2016
Sous son nom seul, Per Wahlöö a publié plusieurs titres, des romans policiers de la même veine que « Le roman d’un crime », mais moins innovants. Dont deux ont été traduits en français : Meurtre au 31ème étage (1964) et L’arche d’acier (1968).
Maj Sjöwall a publié en 1990 un polar (unique publication après le décès de son mari Per) en collaboration avec Tomas Ross, traduit en français et publié en 1992 sous le titre La femme qui ressemblait à Greta Garbo. L’enquête est menée par un journaliste nommé Peter Hill.
10 millions d’exemplaires vendus, de nombreuses traductions et adaptations, à la radio, la télévision et au cinéma… Maj Sjöwall et Per Wahlöö, ont écrit, entre 1965 et 1975, une série de dix romans mettant en scène l’enquêteur Martin Beck et son équipe. Cette oeuvre, influencée par Ed Mcbain, et qui a marqué de son empreinte la littérature policière occidentale, est republiée dans des traductions entièrement revues à partir de l’original Suédois
Ed Mc Bain (1926-2005). Auteur de plus de quatre-vingts romans, de nouvelles, de scénarios pour la télévision et le cinéma, il est surtout l’inventeur d’un véritable genre littéraire, les chroniques du 87e District. La cinquantaine de romans policiers dont le héros collectif est constitué par tous les membres d’un commissariat dans une grande ville imaginaire, Isola, retrace avec un mélange d’humour et de réalisme un demi-siècle d’histoire de l’Amérique.
John Harvey, écrivain britannique, notamment à l’origine du personnage de l’inspecteur principal Charles Resnick (12 titres), des polars qui brossent le portrait de l’ère thatchérienne.
Henning Mankell (1948-2015), romancier et dramaturge suédois, tout particulièrement connu comme auteur d’une série policière ayant pour héros l’inspecteur Kurt Wallander du commissariat d’Ystad, une ville de Scanie, près de Malmö, dans le sud de la Suède. Le personnage est inventé en mai 1989, et apparaît la première fois dans Meurtriers sans visage publié en 19914.