« Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite ». Ou pas. Et de vous à moi, osons affronter l’inavouable. Vidocq, Hugo, Dumas, Balzac et les feuilletonnistes du XIXème siècle avaient tôt compris l’intérêt que le public portait aux dessous des « vraies » affaires. Nous sommes tous des voyeurs en puissance, coupablement attirés par le fait divers. Fascinés par son enchaînement, parfois horrible ou sordide mais toujours impressionnant, de péripéties inattendues et spectaculaires, improbablement réelles. Un fait divers qui s’entend comme larron en foire avec le polar, dès l’origine du genre, avec son lot de laideur : assassinats abjects, règlements de compte, bandits en cavale, cadavres au fond du jardin, scandales et sexe à (plus ou moins) gogo.
Et ce fait divers hissé au rang de littérature (noire, mais pas que), de connaitre aujourd’hui un engouement inédit. Enquêtes, reportages, roman de non-fiction, true crime, cold case … N'en jetez plus. Tout un foisonnement éditorial se développe où le réel s’invite plus que jamais au rayon polar. Comment expliquer ce phénomène ? Plus ou moins romancé, le fait divers devient prétexte à fouiller les maux de notre société. À jeter la lumière sur quelque-chose de plus grand, de plus intellectuel, de plus universel. Lorsqu’il n’est pas instrumentalisé pour détourner l’opinion publique des vrais enjeux, le fait divers, posé à la lisière de l’étude sociale et du roman historique, résume parfois à lui seul une période désenchantée, le basculement d’un monde à un autre. La part obscure de l’Histoire.
Notre newsletter #22 explore cette facette du polar où le réel nourrit la fiction qui le sublime. Suivons la trace de personnages hors normes, révélateurs d’une société, d’un malaise, des soubresauts du temps. Pour faire apparaître les fêlures d’un monde nettement moins apaisé qu’il n’y parait. Pas étonnant, dans ces conditions, faire que le fait divers fasse florès. CQFD.
Laetitia