« La raison pour laquelle Georges file ainsi sur le périphérique avec des réflexes diminués et en écoutant cette musique-là, il faut la chercher surtout dans la place de Georges dans les rapports de production. Le fait que Georges a tué au moins deux hommes au cours de l'année n'entre pas en ligne de compte. » Jean-Patrick Manchette en était le grand orfèvre : faire rimer romanesque et réflexion politique. En faveur d'un polar social et engagé qui a fait florès. Questionnant la place de l'humain dans le monde du travail. La pression psychologique exercée au profit d’une plus grande compétitivité. Où l’on voit des auteurs s’emparer de certains ressorts indignes du monde professionnel (management agressif, dégraissage, licenciement, harcèlement…) pour imaginer des comportements humains déviants tels qu’ils prédominent dans le genre policier (convoitises, vengeances, luttes de pouvoir, goût du secret, complotisme, meurtres…). Pour dénoncer un système économique qui sait comment dissimuler son jeu, ses abus, ses injonctions délétères. Dans un souci d’explorer la diversité du quotidien des vécus sociaux, notamment populaires : situations de travail et de vie laminées par le chômage, la précarité et confrontées à la violence sous toutes ses formes.
Alors que la rentrée est plus que bien entamée, et que les injonctions de préserver notre Qualité de Vie au Travail se font toujours plus pressantes, il est opportun de se poser certaines questions qui fâchent. Ou pas. Ma vie pro a-t-elle un sens ? Suis-je comblé ? A la cool ? Toujours en vacances (comme JB le veinard) ? Plutôt sur la réserve ? Totalement déprimé ? Sous pression excessive ? En cas de coup de mou, cette Newsletter #26 dédiée au polar dans le monde du travail risque de vous achever. Car ce genre propose par essence une vision désenchantée, sombre voire tragique, de l’existence humaine, en tant qu’elle est corrélée à un contexte forcément contraignant, condamnant l’individu. Car le polar est crise. Elle est son objet, voire son sujet. Tout cela ne peut que mal finir.
Laetitia