« Décidément, tout dépend des lieux et des milieux », si l’on en croit le narrateur de Maupassant dans Le Horla. Flancs abrupts, ruines, pentes escarpées, ciels bas et lourd… La montagne en est une illustration, et pas des moindres, tant il semble qu’elle dissimule en son sein de vallées étroites, de peuples reclus, de climats inhospitaliers prédestinés à abriter des drames et inspirer les criminels. La montagne, à la fois sujet de prédilection et personnage à part entière - inquiétant, oppressant, hostile - dans bon nombre de polars parmi les plus spectaculaires. Un univers de forêts noires et de secrets, propice aux histoires de famille, de proximité, de huis clos sanglants. Abritant les peurs séculaires et les monstres d’antan. Un monde du silence, fascinant, préservé du bruit perpétuel de la ville, et qui toujours nous porte plus haut, plus loin, dans un territoire des extrêmes qui sollicite tous les sens, où l’on joue sa chance, sa vie, en conscience, à tout moment. Signe de l’époque, l’enquête y prend souvent la tournure d’un engagement, d’une lutte pour défendre des choix de vie et questionner la volonté insatiable de l’homme à maîtriser la nature. Quitte à provoquer des drames.
Alors qu'en ce début d'année les stations de ski battent le rappel des touristes tout en gardant un œil inquiet sur la météo et les taux d’enneigement (Ludo, si tu me lis), il apparait fort à propos de consacrer cette Newsletter #29 au polar en montagne. Un environnement éminemment romanesque, nourri par des combats écologiques toujours plus pressants. Des récits de tous horizons, ancrés dans une atmosphère singulière, un imaginaire du froid, de l’isolement, de l’alternance de lumière et d'obscurantisme où l’esthétique du Noir s’inscrit naturellement, faisant écho aux affects de personnages enfermés dans cette immensité sauvage.
Bonnes pistes noires et, j'en profite, belle année 2023 !
Laetitia