Deux manitous sont passés maîtres dans la dénonciation du fléau qui nous occupe. Avec lucidité. En s’appuyant sur les faits, rien que les faits.
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Don Winslow est une référence de la littérature, au-delà du roman noir. Il dénonce des systèmes - politiques, judiciaires, policiers - malades, sans manichéisme, en se nourrissant d’une recherche documentaire en béton armé. Du très lourd. Très complexe. Très réaliste. Avec Corruption, on inhale l’atmosphère viciée de Manhattan, aux côtés d’un flic véreux qu’on n’arrive pas à détester complètement. En 18 ans de service, Denny Malone a eu le temps de dévier progressivement, un pas après l’autre. Pris dans l’engrenage des réseaux complexes de corruption où trempent les gangsters, les flics, la mairie, le bureau du procureur, le FBI… Pourtant il n’est pas entièrement mauvais. Et Winslow de nous montrer que la frontière est ténue entre le Bien et le Mal pour ces hommes et ces femmes qui luttent contre le crime, pied à pied, dans la rue, au risque de leur vie. Coincés entre des injonctions politiques contradictoires et la pression des médias. Ainsi, alors qu’on plonge dans les cages d’escaliers à leurs côtés, on ne peut s’empêcher d’admirer aussi ces héros du quotidien. Un roman qui secoue, qui choque, mais qu’on n'arrive pas à lâcher.
Corruption (The force, 2017) de Don Winslow. Harper Collins/Noir (2018). Traduit de l’anglais (USA) par Jean Esch.