JEUX D’INFLUENCE, de Jean-Xavier de Lestrade

Car cette série politique au cœur des lobbies de l’agrochimie nous ouvre les yeux sur certaines dérives affairistes, en lien avec des thèmes très actuels. Car Jean-Xavier de Lestrade propose un thriller institutionnel qui manquait au PAF. Merci Arte. Pour mieux comprendre les liens ambigus et à haut risque entre les mondes des médias, les lobbies et de la politique. Car c’est une mini-série chorale, portée par des acteurs, tous remarquables.

D’APRÈS UNE HISTOIRE VRAIE. Jean-Xavier de Lestrade, oscarisé à 2002 pour Un coupable idéal qui déconstruisait le système judiciaire américain, est un homme de conviction. Fils d’agriculteur, Lestrade mûrit Jeux d’influence depuis longtemps. « J’ai grandi dans une ferme, au milieu des champs et des pesticides car mon père était agriculteur. En 2011, il m’a envoyé un article sur Paul François, cet agriculteur charentais qui intentait un procès à Monsanto. J’ai ressorti cet article car je souhaitais faire une série autour des lobbies avec un enjeu personnel concernant la santé publique. Notre problématique mêle politique, lobbies et environnement. » Les premiers jalons narratifs sont posés en 2013. Suivent plusieurs réécritures nourries par les ouvrages et articles sur les groupes de pressions, des entretiens avec les élus, des lobbyistes (plus délicat à réaliser, selon le cinéaste) ; et Lestrade signe au final une fiction très documentée, observation minutieuse du milieu et qui se souhaite lanceuse d’alerte. En vue de faire progresser la cause environnementale. On est pour.

DANS LES COULISSES DU POUVOIR. Engagée, polémique, pédagogique… La mini-série sonde avec méticulosité les méthodes employées par les lobbies pour défendre les intérêts de l’industrie. Des méthodes de spécialistes de communication finalement vieilles comme le monde, des rapports de force centrés sur des enjeux personnels et professionnels. Une stratégie qui consiste à instiller le doute sur le protocole, la méthodologie des études scientifiques…Face à ces pressions, la série interroge l’engagement des politiques, la notion de courage et de prise de risque nécessaire pour faire valoir certains intérêts publics. En levant le voile sur l’univers opaque des lobbies, Lestrade s’attaque à un sujet brûlant qui mérite qu’on s’y attarde. L’authenticité des faits décrits donne à la série une remarquable densité documentaire, tout en renforçant la tension dramatique. Et ne vous laissez pas impressionner par la raideur qui se dégage du premier épisode. Elle perdure, mais elle s’apprivoise.

RICHESSE ET DIVERSITÉ DES PERSONNAGES. Lestrade choisit le récit choral pour mener à bien son propos. Avec un réel souci de réalisme, le récit, dense, multiplie les points de vue de manière à traiter ce sujet complexe des lobbies et leur influence sur le monde politique et la vie de chacun d’entre nous. Jeux d’influence tisse une toile de 6 destins individuels – 6 personnages sous influence qui se télescopent et maintiennent la tension. Un agriculteur s’effondre le long de son tracteur, juste après avoir rechargé son épandeur. Un député, soutenu par son assistant parlementaire, veut rester fidèle à ses convictions malgré le poids du système et les trafics d’influence (magnifique Laurent Stocker de la Comédie Française). Une journaliste politique en panne d’employeur, sinueuse et ambiguë, devient lobbyiste pour l’agrochimie (Alix Poisson, vibrante). Un directeur du marketing que les scrupules finissent par étouffer…. Les uns et les autres sont amis, collaborateurs, amants, parents, connaissances professionnelles. Tous rouages d’un même engrenage où chacun jouera sa partition, guidé par le sens du devoir ou celui du business. Tous contribuant, plus ou moins, à un certain (dys)fonctionnement démocratique.