KILLING EVE, de Phoebe Waller-Bridge

Car l’humour noir de cette série d’action féministe est délectable. Pour deux actrices magnifiques, chacune dans son style. Pour l’ambiance générale, truculente, et la bande originale en particulier, qui colle parfaitement au propos. Pour l’irrévérence d’un scénario par ailleurs efficace et rondement mené.

UNE SÉRIE EN RUPTURE DE TON. Killing Eve associe une mise en scène efficace, digne des plus purs films d’espionnage US où la méchante Russie est responsable de tous les maux, à une humour second degré Britannique tout à fait réjouissant. Cette signature hybride créé la surprise et offre un dépoussiérage frais et pop salutaire au thriller d’espionnage dont les codes maintes fois ressassés peuvent lasser. Dans cette série sans scrupules, l’immoralité prime avec un cynisme absolu tout à fait réjouissant. L’action est soutenue tout au long des épisodes au format courts de 40 minutes, à l’américaine (il faut bien ménager du temps pour les pubs). À noter toutefois que cet humour noir délectable n’évite pas certaines scènes gores qui expliquent la mention interdit aux -12 ans. Âmes sensibles…

UNE AFFAIRE DE FEMMES. Devant comme derrière la caméra, les femmes font la loi dans ce thriller féministe. La tueuse Villanelle, interprétée avec un immense talent par la jeune actrice Britannique Jodie Colmer, passe par tous les états, de la perversité à la fantaisie la plus déconcertante. Sandra Oh (Grey’s Anatomy) prête son caractère fougueux et intrépide à l’agent trouble Eve Polastri. Entre elle, un jeu du chat et de la souris sado-maso au charme vénéneux opère. Les deux actrices ont d’ailleurs récolté pas mal de prix pour leurs interprétations respectives. Troisième (belle) roue du carrosse, la chef imperturbable Fiona Shaw (l’Irlandaise Caroline Mertens, la tante Pétunia acariâtre d’Harry Potter) apporte son flegme teinté de morgue, si caricaturalement British. À l’écriture, on trouve une 4^ème femme de caractère, Phoebe Waller-Bridge. La jeune (35 ans) actrice, autrice, réalisatrice, productrice et showrunneuse, (re)connnue pour la série à succès tirée de son one-woman-show Fleabag, est également aux manettes de Killing Eve. Tous ces talents féminins réunis ont abouti à la création de cet OVNI de belle facture.

UNE BANDE ORIGINALE REMARQUABLE. On y trouve aussi pas mal de femmes, il faut bien le reconnaitre. Dans les classiques, les voix féminines mythique de Françoise Hardy, Brigitte Bardot, Anna Karina, Dalida alternent avec la voix chaude de Jade Vincent du groupe Unloved (qu’elle forme avec David Holmes, DJ et compositeur de musiques notamment pour Soderbergh). Une bande originale qui allie charme et finesse, dont le tempo et l’esprit sont toujours parfaitement raccords avec l’esprit des scènes. Un très bel atout à ajouter à ce thriller psychologique déjanté porté par des femmes de talent.