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Oslo, on ne sait pas trop quand, demain. Devenu premier ministre de Norvège, l’ancien militant écolo Jesper Berg met son programme à exécution et décide d’arrêter toute exploitation des sources gazières et pétrolifères du pays, coupant court à l’approvisionnement de ses voisins européens et russe qui n’ont pas l’intention de rester les bras croisés. La première saison d’une série qui remet au goût du jour les scénarios sur la guerre froide. Un thriller politique qui pose la question de l’engagement et du choix à faire face au totalitarisme.
Car, si l’on accepte l’hypothèse initiale (certes énorme, d’une invasion russe, soutenue par l’UE, pour faire main basse sur les exploitations de pétrole et de gaz norvégiens), on se laisse facilement embarquer dans cette troublante fiction, diaboliquement actuelle. Car elle questionne la complexité des relations géopolitiques en Europe et des enjeux climatiques. Les risques d’un totalitarisme rampant. L’ambivalence que peuvent soulever les notions de collaboration, de résistance, de terrorisme. Parce que l’actualité rejoignait déjà la fiction en mars 2014, alors que la première saison commençait à être tournée et que la Russie annexait la Crimée. Pour garder en tête que la paix n’est jamais gagnée, une fois pour toute. Et que les libertés ne sont pas acquises, ad vitam aeternam.
PAS SI SIMPLE. Quelle serait la posture de chacun.e. d’entre nous devant l’obstacle apparemment monstrueux d’une invasion « en douceur », dans une vie quotidienne pas absolument bouleversée. Laissant en l’espèce chaque citoyen à même de vivre comme toujours, dans la tranquille opulence d’une Norvège riche de son or noir. Dans les faits : quelques unités militaires dans les îles par-ci. Installation d’un QG abritant des forces de sécurité par là… Faut-il voir une mise en péril de la paix et des libertés dans cette omniprésence sourde d’un ennemi qui ne veut pas franchement se déclarer ? Quelle attitude adopter dans cet « entre-deux » ? Collaboration ou résistance ? Résister, au risque de tout sacrifier à des idéaux patriotiques et démocratiques abstraits ? Ou bien s’accommoder de cette omniprésence russe qui perturbe si peu, en apparence, l’ordre des choses ? Et comment résister ? Quelle frontière entre résistance et terrorisme ? Pour l’inspirateur de la série, Jo Nesbø (un des big boss du polar nordique), seul compte ce redoutable questionnement auquel il soumet les personnages de la série autant que ses spectateurs : quel choix faire face au totalitarisme ? Mais un totalitarisme d’un genre nouveau.
UN MAL INSIDIEUX. L’originalité du scénario tient pour beaucoup dans cette idée d’une prise de contrôle insidieuse d’un pays sur un autre. Où l’angoisse d’un envahissement est sous-jacente, opérant sous une forme inédite. Il ne s’agit pas d’une invasion « à l’ancienne » (type coup de Prague de 1948, Budapest en 1956, invasion soviétique de l’Afghanistan) mais d’une prise de contrôle du jeu politique norvégien sans chars ni bruits de bottes. Où la social-démocratie à la scandinave apparaît comme un régime lâche et donc faible, selon le point de vue d’un régime menaçant et sans états d’âmes. Ici la Russie, mais cela pourrait être aussi bien la Chine, ou même les États-Unis, qui tirerait les ficelles et contre lequel on pourrait s’opposer un peu, mais pas trop. Que faire ? Jusqu’où est-on prêts à céder sur nos valeurs en tant qu’individus et en tant que nation ? « On a tous plus ou moins le sentiment, en Europe, que la démocratie est bien installée et ne peut être renversée. On voulait explorer comment elle peut s’effriter, par tout petits changements », a expliqué Erik Skjoldbjaerg, le showrunner d’Occupied.
LA PETITE HISTOIRE. Au-delà du contexte politique, Occupied croise les destins de personnages, civils, militaires, politiques, qui sont tous amenés à se poser la même question, récurrente : en qui puis-je avoir confiance ? À commencer par le Premier Ministre norvégien, pas franchement sympathique, qui sème le doute quant à ses motivations réelles alors qu’il passe de l’idéalisme au pragmatisme, d’aspirations écologiques à la résistance politique. Lutte-t-il pour la libération de son pays ou cherche-t-il à récupérer le pouvoir à titre personnel ? Chaque personnage navigue ainsi dans une ambiguïté qui rend leurs actions hautement questionnables. D’autant que leurs combats intimes finissent de semer le trouble, alors qu’on les voit écartelés entre leur attachement national et les opportunités qu’offre l’occupant. Entre collaboration et résistance, le dilemme est rude. Et de se demander quelle attitude on adopterait dans la même situation. Argh?
Titre français :
Occupied
Titre original :
Okkupert
Scénario :
Sur une idée originale de Jo Nesbø, Erik Skjoldbjaerg (showrunner), Karianne Lund, Erik Richter Strand
Réalisation :
Erik Skjoldbjaerg
Casting :
Henrik Mestad, Veslemøy Mørkrid , Ingeborga Dapkunaite, Eldar Skar, Anne Dahl, Vegar Hoel, Ragnhild Gudbrandsen, Hippolyte Girardot
Nationalité :
Norvège, Suède, France
Bande Originale :
Langue de la VO :
Norvégien et anglais
Sortie :
2015-2017
Saison(s) :
2 saisons
Épisodes par saison :
10 puis 8
Durée d'un épisode :
42 min
Jo Nesbø est (notamment) un auteur norvégien incontournable de polars, créateur du héros récurrent Harry Hole, apparu dans L’homme chauve-souris en 1997, et héros dans 12 titres. Un inspecteur de la police d’Oslo est le stéréotype même du policier bourru, alcoolique et grand accro au tabac, qui a peu d’amis et utilise parfois des méthodes peu orthodoxes pour résoudre ses enquêtes.
Sans Harry Hole :
Le showrunner d’Occupied, Erik Skjoldbjaerg, a également co-écrit avec Hillary Seitz le scénario d’Insomnia (2002), le polar de Christopher Nolan sis en Alaska. Avec Al Pacino, Robin Williams, Hilary Swank.
La série danoise Borgen, Une femme au pouvoir (Borgen, 2010-2013, 3 saisons, 10X52 min par saison), véritable petit bijou, fera le bonheur des amateurs de série politique, cette fois-ci dans une veine réaliste. Série créée par Adam Price ; Avec Sidse Babett Knudsen, Birgitte Hjort Sørensen, Pilou Asbæk. Borgen décrit les batailles politiques pour le pouvoir au Danemark et les sacrifices personnels qu’elles entraînent. Le personnage principal, Birgitte Nyborg, est une femme politique qui a permis à son parti d’obtenir une victoire écrasante. Elle doit maintenant répondre aux deux plus importantes questions de sa vie : comment utiliser au mieux cette majorité et jusqu’où peut-on aller pour obtenir le pouvoir.
1984 (1948), le chef d’œuvre de George Orwell, fait partie des plus grands textes du XXème siècle. Pour tous les âges. Avec Big Brother et Winston Smith en héros d’une dystopie qui a gardé toute son acuité. Il a été adapté en roman graphique avec talent par Fido Nesti (Grasset). Également adapté au ciné en… 1984… par Michael Radford avec John Hurt, Richard Burton (dans son dernier rôle).